Constat d'un vide

Formée dans des domaines psychologiques, familiaux et sociétaux, Ginette Debuyck a débuté sa carrière professionnelle dans le cadre scolaire en tant que professeur tant en Belgique qu'aux USA et au Congo. Formée en médiation, elle a pris conscience des possibilités que cet outil ouvrirait dans le secteur psychosocial et éducatif belge. Dès les années nonante, nourrie par les rencontres de Jacqueline MORINEAU (2) et des professionnels du Québec, elle s'est rendue compte des changements importants dans le champ des métiers qui touchent au conflit (juge, expert, psychologue, huissier, assistant social, greffier, notaire, avocat, notaire, police, enseignant, ...) que la médiation pourrait générer. 

À l'époque, l'intérêt pour la médiation commençait à  se manifester tant du côté des professionnels intéressés par la question des personnes en conflit que des publics concernés dans les sphères familiales, scolaires, communautaires, ... De ce fait, le besoin de formation, qui existait préalablement en Amérique et au Québec, par exemple, s'est fait sentir et ceci en adéquation avec la réalité belge.

Création

C'est dans ce contexte que MÉDIATIONS ASBL s'est constituée en 1996 et qu'elle a rassemblé à  ses débuts, une équipe de médiateurs et de formateurs (dont Benoît Van Dieren, Monique Stroobants, Joà«lle Timmermans, Philippe Woitchik) qui a mis sur pied la formation professionnelle de médiateur généraliste. Depuis, l'équipe comprend 10 formateurs, la plupart médiateurs professionnels dans divers champs. Un qualificatif " généraliste " employé à  dessein puisqu'il s'agit aussi, et avant tout, de résister à  ce trop grand besoin de spécificité et de cloisonnement de la société actuelle, qui se reflète aussi dans la médiation. Médiations s'écrit avec " S " car la médiation est plurielle et ouverte à  tous. Cette ouverture permet de proposer aux écoles une formation de médiateurs pairs pour les élèves (3).

Par ailleurs, Madame Debuyck a participé en 2000 à  la constitution de l'union belge des médiateurs professionnels dont elle a été durant 4 ans la première Présidente et dont le but était de réunir un maximum de professionnels, issus de tous les champs et formés à  la médiation afin de s'accorder sur une pratique, une définition et une déontologie commune et à  la reconnaissance de la profession de médiateur. Cet immense chantier est encore en cours de réalisation.

En 2005 la création de la Commission Fédérale de Médiation, prend en charge l'agrément des médiateurs sur base d'un dossier et également l'agrément des formations de base et des formations continuées des médiateurs agréés de Belgique. L'ASBL Médiations est agréé provisoirement en 2005 et définitivement en 2007. Ginette Debuyck y siège dans la sous commission familiale afin de représenter les médiateurs francophone dit " tiers " (ce qui regroupe un nombre important de catégories professionnelles). Deux autres professions sont représentées par l'Ordre des avocats et la Chambre des notaires.

Une particularité intéressante de ce centre de formation est d'avoir à  la fois un pied dans la formation et un pied dans la pratique. De fait, certains de ses formateurs sont des médiateurs en fonction. Cette " double casquette " a bien sûr l'avantage de permettre un grand recul par rapport à  leur propre fonctionnement professionnel, de les tenir au su des innovations spécifiques à  cette matière et de les faire revoir sans cesse leur démarche de formateurs. Ce qui confère au centre un esprit de formation permanente et lui permet de rester critique vis-à -vis de son propre fonctionnement et des définitions de son travail. Autant de facteur, clefs d'une constante évolution.

La formation

Nous sommes loin ici d'une formation assénée ex cathedra. Il s'agit à  l'inverse de la mise en place d'un contexte d'apprentissage où le parcours professionnel des apprenants est pris en compte, apprécié à  sa juste valeur et,

la plupart du temps reconnu suffisant pour infléchir le cap de la formation. En effet, l'intérêt porté aux apprenants est un facteur décisif pour le développement d'une formation telle que celle-ci. Il est riche de constater combien d'horizons distincts ont convergé autour d'un thème commun en vue de parfaire la manière d'aborder cette pratique. Cela permet en outre de détecter le degré d'ouverture d'esprit et la capacité à  se remettre en question des futurs médiateurs. Mais aussi de savoir s'ils sont dotés d'humour, celui-ci permettant une distanciation par rapport aux contraintes du milieu psychosocial. La distanciation est un atout indispensable, pour assurer un travail de qualité. En plus de cette attention toute particulière aux personnes, les apprenants tiennent un journal de bord qu'ils synthétisent en fin de formation. Cet outil leur permet à  la fois d'évaluer le chemin parcouru du point de vue de l'apprentissage des outils et de la méthodologie du processus de médiation, de l'éthique, de la déontologie et aussi d'observer leur évolution personnelle et d'apprécier dans le détail comment ils ont été entendus tout au long de la formation. La formation de médiation touche en priorité au savoir être, savoir faire4 de l'apprenant. C'est ce savoir être qui est voué à  susciter le savoir faire faire auprès des médiants5... À Médiations ASBL, les formateurs enseignent aux intervenants à  travailler avec le réel de la personne qui fait appel à  eux, avec ses aptitudes et avec les possibilités de les développer que lui offre son présent plus qu'avec son " problème " ce mot est d'ailleurs banni car il suscite immédiatement son corollaire, le mot " solution ". Cette dyade renforce le caractère binaire et omet les étapes indispensables du processus, l'issue étant la " cerise sur le gâteau "6. Prendre le temps nécessaire, accepter les blocages, les stagnations, les reculs, les refus, etc ..autorise les médiants à  traverser sereinement les phases du conflit afin d'avancer en " slow " dans une perspective durable. A contrario du juge qui ordonne, la médiation propose. C'est une sorte de travail en creux qui, plutôt que de se focaliser sur les situations que les médiants amènent, dans un esprit de recherche effrénée de " solution(s) ", tend à  pérenniser ce qui existe déjà  afin de mieux habiter le présent. D'autre part, il importe de souligner que les participants formés par ce centre de médiation apprennent à  médier (travailler) lorsque les médiants sont en présence, et en fonction, non pas des croyances du médiateur ou de son but propre mais des desiderata réels des personnes. Les médiants sont en permanence impliqués dans le processus de médiation, au contraire de ce qui est souvent publié ; la médiation demande du temps et s'autorise à  des accords partiels, pari faisant que les médiants reviendront quand c'est à  nouveau nécessaire. Ils participent d'ailleurs à  l'élaboration du cadre qui sera le plus adapté pour réaliser leur expectative. C'est en cela que la médiation ouvre un espace à  toute personne intéressée par la relation à  autrui et à  lui-même. Il s'agit avant tout d'une attitude face à  l'autre et devant l'altérité, en général.

En deux mots

Au confluent de la médiation proprement dite et de la formation de futurs médiateurs, on retrouve le souci de Ginette Debuyck d'injecter le sens de l'humain dans un processus qui est trop souvent présenté comme technique et relevant des professionnels liés au monde juridique et judiciaire. Des qualités qui se retrouvent au coeur de l'action de Médiations ASBL qui depuis plus de vingt ans n'en finit pas d'essaimer et n'escompte pas en rester là .

Les conflits n'ont qu'à  bien se tenir, Médiations ASBL est aux portes de la vie !  


(1) Concernant la médiation à  proprement parler, je vous invite à  consulter le Filiatio #8, dans lequel Sabine Panet a réalisé un dossier sur cette méthode particulière de résolution des conflits. Ce dossier est téléchargeable sur : http://www. filiatio.be/
(2) J. MORINEAU : Médiatrice et auteure de " Le médiateur de l'âme ", Nouvelle cité, Essonne, 2008 et " L'esprit de la médiation ", Eres, 1998
(3) La CFWB soutient par Décret les établissements scolaires qui en font la demande en offrant un financement. Médiations ASBL en est l'opérateur de projet (voir site)
(4) Le savoir faire faire incombe au médiateur afin de donner l'opportunité aux médiants de se rendre responsables et créatifs
(5) Terme choisi pour son caractère actif. Le participe présent indiquant que l'action est en train d'avoir lieu
(6) Voir le logo des 20 ans de l'anniversaire de Médiations ASBL


Pour en savoir plus ou prendre contact : www.mediationsasbl.be



Article paru dans Filiatio 26# - 1-2-3/2017